Au Cambodge, les agriculteur·rices sortent de l’endettement grâce à l’agroécologie
Dans les campagnes cambodgiennes, où vivent 80 % des habitant·es, l’agriculture — en particulier la culture du riz — est au cœur des activités économiques. Pourtant, la majorité des paysan·nes peine à en vivre décemment. La dépendance croissante aux intrants chimiques, imposée par des filières agricoles dominées par des intérêts industriels étrangers, a lourdement fragilisé les revenus des familles rurales. À chaque récolte, elles s’endettent un peu plus, étranglées par le coût des engrais et des pesticides, alors même que les prix de vente de leur riz stagnent.
Agriculteur membre d’une coopérative agricole dans la province de Battambang, Kab Phoan tire son revenu principal de la culture du riz. « En agriculture conventionnelle, l’achat de semences, de fertilisants et de pesticides chimiques est très élevé », explique-t-il. Résultat : « Environ 80% des agriculteur·rice contractent des prêts, notamment pour leur activité agricole ». Dans le même temps, la production de riz ne rapporte bien souvent que le minimum décent pour vivre. La production est par ailleurs limitée par l’absence de moyen d’irrigation des cultures.
Dans ce modèle agricole intensif, c’est aussi la santé humaine et l’environnement qui sont mis en danger.
Produire plus en prenant soin des humains et de la terre
De nombreuses études ont démontré que l’agroécologie peut produire autant voire davantage que l’agriculture conventionnelle intensive, tordant le cou à l’idée selon laquelle les pratiques agricoles durables ne pourraient nourrir la planète.
Dès lors, afin d’améliorer la production rizicole, Eclosio et son partenaire cambodgien – la coopérative agricole Teuk Chet Kasekar Kear Meanchey –, accompagnent des organisations d’agriculteur·rices dans les provinces de Battambang, Takeo and Kampong Thom dans la transition de leurs pratiques vers l’agroécologie. Ainsi, le projet ParTNERS, soutenu par l’Opération 11.11.11, vise notamment à améliorer la santé des sols afin d’augmenter leur capacité à retenir l’eau en période de sécheresse ; et de l’absorber en période de crue.
« Depuis que j’ai adopté les techniques agroécologiques, ma production est passée de 3000 kg à 5300 kg, augmentant de manière conséquente mes revenus et améliorant notablement les propriétés du sol, témoigne encore Kab Phoan. L’augmentation de revenus grâce aux pratiques agroécologiques permet aux agriculteur·rices de sortir plus rapidement de l’endettement et même d’éviter de contracter des prêts pour la production de riz », analyse-t-il.
À 52 ans, Chorn Sang a abandonné il y a un an et demi l’agriculture conventionnelle sur sa parcelle de concombres et de courges d’hiver, au profit de techniques agroécologiques. Agricultrice dans la province de Kampong Thom, elle a diminué ses coûts de production et, elle insiste, a “regagné la confiance des consommateur·rices de sa communauté”, lui permettant de quadrupler ses revenus.
Les histoires de Kab Phoan et de Chorn Sang démontrent qu’au-delà de sa capacité à nourrir le monde, l’agroécologie renforce l’autonomie et le pouvoir d’agir des paysan·nes : en s’affranchissant des semences, engrais et pesticides importés, ils et elles retrouvent du pouvoir sur leurs pratiques agricoles et leur avenir économique. Mais les bénéfices sont aussi environnementaux et sociaux. « Les sols sont en meilleure santé, les abeilles reviennent dans la ferme, la qualité de l’air est meilleure et propice à l’achat en circuit court, raconte Chorn Sang. Cela favorise les interactions avec les membres de la communauté », se réjouit-elle.







