Communiqué de presse

Devoir de vigilance : face au chantage politique, le Parlement européen résiste (provisoirement) à l’affaiblissement de la directive

Source : Lena Schilling (BlueSky)

Le Parlement européen a rejeté ce 22 octobre la proposition du paquet Omnibus qui affaiblissait drastiquement la directive européenne sur le devoir de vigilance. Cette directive essentielle vise à rendre les grandes entreprises responsables des violations des droits humains et des atteintes à l’environnement dans leurs chaînes mondiales de production. Ce vote marque une résistance face aux pressions politiques et économiques, mais la bataille est loin d’être terminée : le texte reviendra en plénière en novembre, et les eurodéputé·es devront confirmer leur engagement pour la protection des droits humains et de l’environnement.

Sous la pression du groupe chrétien-démocrate PPE, qui a menacé de s’allier à l’extrême droite, plusieurs concessions ont été faites lors du vote en commission JURI. Mais ce 22 octobre, une majorité d’eurodéputé·es a refusé ce chantage politique et a dit non à un affaiblissement des garanties sociales et environnementales.

À l’heure où la Commission européenne sacrifie les normes sociales et environnementales normes sociales et environnementales au nom de la compétitivité, ce vote marque un signal clair : les droits humains ne sont pas négociables

Les modifications proposées à la directive, imposées par le groupe chrétien-démocrate PPE, supprimaient le régime européen de responsabilité civile au profit de 27 systèmes nationaux. Il aurait donc été beaucoup plus difficile pour les victimes du monde entier, en particulier dans les pays du Sud, de porter plainte contre les abus des entreprises devant un tribunal de l’Union européenne, ce qui aurait également accru l’insécurité juridique pour toutes les parties. De plus, les entreprises n’auraient plus été obligées de mettre en œuvre une stratégie climatique. Enfin, le nombre d’entreprises concernées par la directive avait été réduit d’environ 70 %.

« Ce rejet montre que le Parlement n’est pas prêt à entériner la suppression des garanties européennes en matière de droits humains, des droits du travail et de l’environnement », déclare Sophie Wintgens Sophie Wintgens , chargée de recherche au CNCD-11.11.11.

« Derrière la prétendue “simplification administrative”, il s’agissait en réalité d’un démantèlement pur et simple du devoir de vigilance devoir de vigilance . »

Les négociations en trilogue, avec le Conseil et la Commission, ne pourront débuter qu’une fois que le Parlement aura défini sa position. Les eurodéputé·es ont encore l’occasion de rectifier le tir. « Nous appelons les parlementaires à rétablir un régime de responsabilité civile européen, à renforcer les obligations climatiques et à refuser tout affaiblissement supplémentaire de cette législation essentielle », souligne Sarah Vaes, chargée de plaidoyer chez Oxfam Belgique.

« L’Union européenne doit préserver sa crédibilité en garantissant des chaînes de valeur réellement durables. »

Contexte

La directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, ou « Corporate Sustainability Due Diligence Directive » (CSDDD), est l’une des principales législations de l’UE en matière de durabilité. Elle oblige les très grandes entreprises à identifier les impacts négatifs sur les droits humains et l’environnement dans leur chaîne de valeur, et à prendre des mesures pour les prévenir, les faire cesser et les réparer. La directive doit permettre de tenir les entreprises responsables de leurs actes répréhensibles. La directive est un élément essentiel de la politique de l’UE en matière de développement durable et de responsabilité sociale des entreprises.

La directive est en vigueur depuis le 25 juillet 2024. Le 26 février 2025, la Commission européenne a publié une nouvelle proposition législative, le « paquet Omnibus », qui vise notamment à affaiblir considérablement la directive sur le devoir de vigilance. Le 23 juin 2025, le Conseil a également finalisé sa position sur Omnibus, avec des propositions d’affaiblissements encore plus drastiques de la directive. Le 13 octobre, la position du Parlement européen a été approuvée par la commission des Affaires juridiques (JURI). À la demande des eurodéputé·es progressistes, l’ensemble du Parlement a dû se prononcer sur la confirmation ou le rejet de cette position.

En tant que Coalition de la société civile belge Corporate Accountability [1], nous condamnons fermement cette approche de la Commission concernant la loi Omnibus. En avril 2025, nous avons publié une déclaration conjointe dans laquelle nous exposons nos recommandations.

[1Le groupe de travail belge « Corporate Accountability » est une coalition d’une vingtaine d’organisations de la société civile belge, dont les deux coupoles d’ONG 11.11.11 et CNCD-11.11.11, les trois syndicats belges (ACLVB-CGSLB, ACV-CSC, ABVV-FGTB) et diverses ONG et organisations de défense des droits humains et de l’environnement. Ensemble, ils plaident en faveur d’une législation efficace sur le devoir de vigilance aux niveaux international, européen et belge.