Mesures d'austérité : il y a toujours des alternatives !
Alors que le gouvernement prépare de nouvelles mesures d’austérité drastiques qui toucheront les classes moyennes et les plus modestes, le Premier ministre Bart De Wever invoque la formule de Margaret Thatcher : « There is no alternative ». Mais l’Histoire, comme l’économie, montrent qu’il existe bien d’autres chemins. Des chemins plus justes et plus lucides.
En citant Margaret Thatcher pour justifier l’austérité budgétaire, Bart De Wever ressuscite un slogan des années 1980 qui a servi à imposer des politiques néolibérales menant à l’explosion des inégalités et de la pauvreté, à la dégradation des services publics ainsi qu’à la dérégulation au profit des multinationales et des plus riches. Est-ce vraiment le modèle que la Belgique veut suivre ? Dire qu’il n’y a « pas d’alternative » révèle un manque de vision et un mépris envers celles et ceux qui travaillent, soignent ou enseignent et subiront les coupes à venir.
Le 14 octobre, 140.000 personnes ont défilé à Bruxelles pour affirmer que la solidarité, les services publics, le climat et la sécurité sociale ne sont pas des variables d’ajustement. La Belgique mérite mieux que des recettes idéologiques du siècle passé. La politique sociale apporte des dividendes pour toute la population En Belgique, 2,1 millions de personnes sont exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Or, le choix que fait l’Arizona aujourd’hui, c’est de s’attaquer à nos pensions, à notre temps de travail, aux soins de santé, aux femmes, aux demandeurs d’emplois, aux malades et aux personnes précarisées. Chercher à équilibrer le budget sur le dos des plus modestes est un très mauvais calcul social et économique. Les plus modestes ne placent pas leur argent dans des fonds spéculatifs ou dans des paradis fiscaux, ils le dépensent en biens et services, le réinjectant directement dans l’économie réelle. En soutenant cette consommation, on soutient les commerces et l’emploi de proximité. Comprimer les revenus des moins nantis comme le fait le gouvernement, c’est pousser les gens au bord du précipice. C’est les obliger à réduire des dépenses essentielles : chauffage, alimentation, habillement. L’austérité, en appauvrissant les plus vulnérables, se retourne ainsi contre l’ensemble de la société et de l’économie.
Une fiscalité plus progressive renforcerait la justice fiscale
justice fiscale
Justice fiscale
Justice Fiscale
et la stabilité économique.
Pourquoi le gouvernement refuse-t-il obstinément de demander une contribution équitable aux plus riches ? Ils thésauriseraient un peu moins, sans que leur mode de vie n’en soit affecté. Une fiscalité plus progressive renforcerait la justice fiscale et la stabilité économique. Est-il normal que le 1% le plus riche paie proportionnellement deux fois moins d’impôts que la moyenne des contribuables ? [1] Est-il normal que la fraude et l’évasion fiscale coûtent 30 milliards d’euros par an ? Dans le même temps, le Bureau du plan a calculé qu’un impôt sur la fortune des millionnaires pourrait générer 4,7 milliards d’euros de recettes fiscales. Investir cet argent dans les soins de santé, dans des pensions dignes, dans la transition climatique, dans la coopération au développement
coopération au développement
aide publique au développement
aide au développement
et dans la protection sociale, ce n’est jamais de l’argent gaspillé. C’est un investissement dans une société plus résiliente, plus équilibrée, plus saine et plus apaisée. Ces dividendes sociaux profitent à tout le monde.
Le déficit, fruit de choix politiques
Malgré ces évidences, le gouvernement entend couper froidement dans toutes les solidarités. Les coupes annoncées dans la coopération au développement en sont un exemple parmi de nombreux autres. Ces coupes vont au-delà de l’exercice de rationalisation budgétaire. C’est une offensive idéologique visant à mettre à genoux un secteur qui rappelle au gouvernement ses engagements internationaux et sa responsabilité en matière d’aide au développement et de droits humains. Pendant ce temps, la Belgique consacre encore 13 milliards d’euros par an en subventions aux énergies fossiles. Si certaines aides sociales doivent être préservées, la majorité de ces subventions profite à des activités polluantes sans utilité sociale, retardant la transition écologique. Comment justifier des coupes budgétaires dans des secteurs essentiels tout en maintenant ces subventions nuisibles au climat et à la santé des citoyennes et des citoyens ?
En 10 ans, la Belgique s’est privée de 19,3 milliards d’euros de recettes qui servaient à financer les services publics et la Sécurité sociale. D’ici 2029, les recettes de l’État fédéral devraient encore reculer de 7,9 milliards d’euros. 85% de la dégradation budgétaire à venir s’expliquera par les choix de l’Arizona. Le gouvernement organise lui-même le sabotage des recettes publiques pour ensuite prétendre s’inquiéter du niveau élevé de la dette publique, qu’il a lui-même contribué à créer ! Cette séquence n’a rien d’une fatalité. Si rien ne change, on doit s’attendre à une croissance des chiffres de la pauvreté dans les prochaines années. Le rôle d’un gouvernement n’est pas de se réfugier derrière des slogans hérités d’un autre siècle, mais d’offrir de nouvelles perspectives et un projet à la population. L’histoire l’a montré : Thatcher avait tort. Il y a toujours le choix. Le choix de mettre fin aux cadeaux fiscaux inefficaces et polluants, le choix de faire contribuer chacun à la hauteur de ses moyens, le choix d’investir dans l’avenir plutôt que de sabrer dans la santé, l’éducation, le social et l’environnement.
Signataires : Thierry Bodson, président de la FGTB ; Nadia Cornejo, porte-parole de Greenpeace Belgique ; Julien Desiderio, secrétaire du Réseau pour la Justice fiscale
Réseau pour la Justice fiscale
RJF
, Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, Eva Smets, directrice générale d’Oxfam Belgique, Arnaud Zacharie
Arnaud Zacharie
, secrétaire général du CNCD-11.11.11.
[1] « Inégalités en Belgique, un paradoxe ? », André Decoster et al.
Tribune publiée dans L’Echo le 24 octobre 2025.



