Détenir, trier, expulser, des valeurs européennes ?

Zoom sur le nouveau Pacte européen sur la migration et l’asile

Décryptage du Pacte

[2Migreurop, "Les hotspots, véritables camps de la honte”, (2020).

[3Elles se présentent sous la forme unique de la révision de la directive du Permis unique (voies légales de migration liée à l’emploi).

[4Le Conseil adopte le pacte de l’UE sur la migration et l’asile - Consilium, https://www.consilium.eur...

[611.11.11, ILLEGALITY WITHOUT BORDERS PUSHBACK REPORT 2023, February 2024

[7Citons notamment : Trauner, F., Brekke, J-P., Adam, I., Cham, O. N., & Thorbjørnsrud, K. (2024). “It’s not about the information, it’s about the situation” : Understanding the misalignment between EU deterrence messaging and migrants’ narratives. Journal of Ethnic and Migration studies, 50(14), 3379-3395. https://doi.org/10.1080/1...

[8Le Monde. Immigration : le mythe de « l’appel d’air », consulté le 9 avril 2025, https://www.lemonde.fr/id...

L’ombre d’un officier de police espagnol (C) et de deux des 124 immigrants clandestins interceptés en mer par un navire des garde-côtes espagnols dans le port de Los Cristianos, sur l’île espagnole de Tenerife, aux Canaries, le 8 septembre 2006.

L'ombre d'un officier de police espagnol (C) et de deux des 124 immigrants clandestins interceptés en mer par un navire des garde-côtes espagnols dans le port de Los Cristianos, sur l'île espagnole de Tenerife, aux Canaries, le 8 septembre 2006.
  • Crédit : © Desiree Martin, AFP/ Belga
  • Mise en ligne : 08-09-06
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Décryptage du pacte européen sur la migration et l’asile

Une réforme répressive et sécuritaire sur la migration et l’asile s’apprête à être adoptée au niveau européen. Découvrez pourquoi il est urgent de se mobiliser contre une décision qui impactera la vie de milliers de personnes exilées et normalisera des pratiques aujourd’hui illégales et violentes !

Elections 2024 : Quel avenir pour le Pacte sur la migration et l’asile ?

Malgré l’adoption par l’Union européenne d’un nouveau Pacte européen sur la migration et l’asile, la crise structurelle de « non-accueil » en Europe n’est pas prête d’être résolue. Cécile Vanderstappen, chargée de plaidoyer sur la justice migratoire, dénonce un pacte inefficace, coûteux et contraire au droit international. Elle appelle à une nouvelle proposition qui soit à l’opposé de la politique migratoire de plus en plus répressive adoptée par l’UE.

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  • Mise en ligne : 27-05-24
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Rassemblement contre le Pacte européen sur l’asile et la migration à Bruxelles le 10 avril 2025

Rassemblement contre le Pacte européen sur l'asile et la migration à Bruxelles le 10 avril 2025
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  • Mise en ligne : 10-04-25
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Après plus de trois ans de négociations, l’Union européenne a adopté, le 14 mai 2024, un nouveau Pacte européen sur la migration et l’asile Pacte européen sur la migration et l’asile
Pacte sur la migration et l’asile
. Cet accord comprend une dizaine de propositions législatives visant à réformer le système européen de gestion des migrations justice migratoire
migrations
, avec des législations portant sur les procédures d’asile, la répartition de l’accueil et la contrôle des frontières.

Ce pacte semble toutefois ignorer les leçons du passé, notamment celles de la crise de l’accueil de 2015, liée à l’arrivée de nombreuses personnes migrantes aux frontières européennes fuyant la guerre en Syrie. En maintenant des recettes basées principalement sur le refus d’accueillir les personnes en demande de protection, il persiste dans une approche inefficace, coûteuse et contraire au droit international.

Chaque Etat membre doit à présent réaliser un plan de mise en œuvre et adapter sa législation nationale en conséquence. Or, l’Accord de gouvernement De Wever (Arizona), ainsi que les déclarations de responsables politiques annoncent des restrictions des droits des personnes migrantes en violation du droit international.

Qu’est-ce-que le Pacte sur la migration et l’asile de l’UE ?

Après plus de trois ans de négociations, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 14 mai 2024, un nouveau Pacte sur la migration et l’asile. Cet accord repose sur une proposition de la Commission européenne présentée en septembre 2020 et approuvée par le Parlement européen le 10 avril 2024, après de longues négociations.

Le Pacte se caractérise par une grande complexité, qui reflète les désaccords entre États membres et soulève des doutes sur son application concrète. Les règles ont été élaborées sans véritable prise en compte des réalités migratoires - faute d’une évaluation des dispositifs existants et d’une étude d’impact p

ourtant demandée par le Parlement européen.

Le Pacte consiste en fait en une dizaine de mesures législatives
en vue de réformer le système européen de migration et d’asile, ainsi qu’une série de recommandations non-contraignantes [1].

L’ensemble des mesures se regroupe autour de trois piliers :

  • une dimension externe (développement de l’externalisation de la gestion des frontières, accords de réadmission des personnes expulsées du territoire avec les pays tiers, et fiction juridique de non entrée),
  • un contrôle accru des frontières européennes (renforcement de Frontex et de l’approche hotspot) [2],
  • un mécanisme de solidarité entre États membres (qui définit la manière dont les États membres peuvent contribuer à « l’effort collectif » dont l’accueil).

Ces trois piliers du Pacte illustrent l’orientation restrictive de la politique migratoire voulue par l’Union européenne. Dès lors, il serait plus juste de parler d’un pacte contre les migrations.

Dans les faits, ce Pacte ne bouleverse pas le système actuel mais poursuit et approfondit des logiques déjà bien établies, basées sur une approche répressive des migrations. De l’intensification de l’externalisation au renforcement des contrôles aux frontières, ces politiques accroissent les violences envers les personnes migrantes et demandent toujours plus des moyens financiers. En effet, la question de l’accueil est secondaire et les réformes en matière de voies sûres et légales sont limitées [3].

Pourquoi l’UE a-t-elle décidé d’adopter ce Pacte sur la migration et l’asile ?

Le Pacte se veut une réponse européenne aux questions migratoires, devenues une priorité politique depuis plus de vingt ans. Il succède à l’échec de l’Agenda européen en matière de migration, proposé en 2015 par la Commission européenne, qui, faute de consensus entre les Etats, n’a ni permis une répartition équitable et digne de l’accueil des personnes migrantes ni mis fin aux drames humanitaires sur les routes migratoires.

Ce nouveau Pacte vise à instaurer « un système de gestion de la migration prévisible et fiable » composé « d’un ensemble de règles qui contribueront à gérer les arrivées de manière ordonnée, à créer des procédures efficaces et uniformes et à répartir équitablement la charge entre les Etats membres » [4].

En réalité, ce Pacte permet avant tout à la Commission de restaurer un climat de confiance des Etats membres vis-à-vis de l’UE et de préserver la cohésion entre les Vingt-Sept sur ce dossier. Dans cette logique, l’externalisation - étant le seul objet de consensus entre eux - occupe une place centrale, au détriment de la répartition équitable de l’accueil.

Que se passera-t-il dorénavant aux frontières pendant la nouvelle procédure ?

Le Pacte prévoit un nouveau mécanisme de gestion des frontières, dans la lignée de l’approche hotspots développée en 2015. Il repose sur la détention quasi systématique des personnes sans titre de séjour dès leur franchissement des frontières extérieures de l’Europe, ou après leur appréhension sur le territoire européen. Cette détention est autorisée pour une durée de douze semaines, pouvant être portée à dix-huit semaines en cas de situation qualifiée de « crise » (voir plus bas).

Dans les sept jours suivant l’arrivée, un filtrage est effectué. Il comprend un entretien et des tests de santé, d’identité (y compris la prise d’empreintes), de sécurité et de vulnérabilité ainsi que l’enregistrement des données des personnes concernées (dès l’âge de 6 ans) dans le système centralisé EURODAC. Ce filtrage est réalisé par les gardes-frontières des États membres, avec le soutien des agences européennes, notamment l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (AFR), l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) et Frontex, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes.

L’objectif est de trier les personnes demandant d’asile afin de les orienter soit vers une procédure d’asile ordinaire, soit vers une procédure accélérée, voire directement vers un retour. La procédure d’asile accélérée est privilégiée au détriment de la procédure ordinaire pour plusieurs catégories de personnes : celles originaires de pays dont le taux de reconnaissance de protection est inférieur ou égal à 20 % à l’échelle de l’UE, celles soupçonnées de fraude ou d’abus dans leur demande — y compris les mineurs non accompagnés — ainsi que celles considérées comme une menace pour la sécurité. Ces procédures sont généralement appliquées dans l’État en question – sauf dans le cas d’une relocalisation vers un autre Etat membre.

Aucun recours n’est possible contre le résultat du filtrage, ce qui est contraire à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE [5] : « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal. »

Les personnes qui ne demandent pas l’asile sont orientées vers une procédure de retour. Dans ce cas, les personnes seront considérées juridiquement comme n’étant jamais entrées en Europe et ne pourront pas bénéficier du corpus des droits européens.

Le Pacte permet-il de mieux organiser l’accueil entre les pays européens ?

Les négociations ont abouti à un nouveau système qui, bien que rebaptisé « Règlement sur la gestion de l’asile et de la migration (RéGAM) », reprend l’essentiel des mécanismes de Dublin. Pour rappel, le Règlement Dublin détermine que toute demande d’asile doit être adressée au premier pays européen dans lequel la personne concernée a mis les pieds. Il est la source principale des tensions entre États membres en matière de gestion migratoire, faisant reposer une part considérable des responsabilités sur un nombre limité de pays méditerranéens (Grèce, Italie, Espagne, Chypre et Malte).

Selon ce nouveau système, les premiers pays d’entrée restent seuls responsables de la gestion des arrivées. Les autres États peuvent aider via la relocalisation, mais plusieurs, dont la Belgique, ont annoncé qu’ils n’avaient pas l’intention d’y recourir. De plus, la Pologne et la Hongrie refusent catégoriquement de participer au volet de solidarité flexible du Pacte. Tout cela maintiendra une pression constante sur les centres de première réception et dégradera les conditions d’accueil.

Pourquoi parle-t-on de « solidarité obligatoire mais flexible » ?

Le Pacte instaure un mécanisme de « solidarité obligatoire mais flexible » destiné aux États confrontés à une forte pression migratoire. Concrètement, les autres États européens sont tenus de prendre des mesures de solidarité, et doivent choisir entre trois formes de contribution :

  • Relocalisation : accueillir un nombre déterminé de personnes en demande d’asile, calculé selon une clé de répartition tenant compte du produit intérieur brut et de la taille de la population
  • Soutien opérationnel : financer l’État en difficulté pour renforcer son dispositif d’accueil (construction de centres, renforcement des capacités du personnel, fourniture d’équipements techniques ou soutien aux opérations de retour).
  • Contribution externe : apporter un soutien financier à la dimension externe de la politique migratoire européenne.

Grâce à ce dispositif, la Commission vise à relocaliser au moins 30 000 personnes chaque année, en transférant une partie de la charge des pays frontaliers vers les autres États membres.

Qu’est-il prévu en cas de « crise » de l’accueil ?

En cas de situation de crise (par exemple, un système d’accueil devenu inopérant), d’instrumentalisation de la migration par un pays tiers, ou en cas de force majeure (telle qu’une catastrophe naturelle ou une pandémie), un filet de sécurité complexe est prévu lorsque le mécanisme de relocalisation ne suffit pas à répondre aux besoins. Son efficacité reste toutefois incertaine : la Belgique a annoncé une pause dans la relocalisation, tandis que la Pologne et la Hongrie refusent catégoriquement de mettre en œuvre le Pacte.

Par ailleurs, ce type de situation permet à un État membre de déroger à certaines de ses obligations. Il peut prolonger les délais d’enregistrement des demandes d’asile – prolongeant ainsi la durée possible de détention jusqu’à dix-huit semaines –, voire suspendre temporairement ces enregistrements. Les procédures d’asile peuvent également être accélérées pour les ressortissants de pays dont le taux de reconnaissance de la protection internationale dans l’UE est inférieur ou égal à 50 %.

Quels sont la place et le rôle attendus des Etats non européens dans ce Pacte ?

Les partenariats avec les pays tiers seront au service de l’endiguement des départs mais aussi de la facilitation des retours. Le Pacte invite les États membres à mobiliser l’ensemble des outils disponibles à cette fin, y compris en conditionnant l’octroi de visas à la coopération des pays tiers en matière de réadmission. Frontex a d’ailleurs vu son mandat élargi pour appuyer la mise en œuvre de ces accords.

Dans une note de janvier 2023, la Commission invite les États membres à privilégier des accords informels et confidentiels plutôt que des accords formels. Cette approche permet de contourner les contrôles parlementaires et d’éviter les obligations de redevabilité.

Les États tiers qui espéraient plus de voies légales et sûres de migration sont donc contraints de constater que le pacte n’amène pas l’équilibre annoncé entre « responsabilité et solidarité » mais se concentre davantage sur la lutte contre les migrations, laissant des dimensions essentielles d’une politique migratoire (voies légales, intégration et lutte contre les discriminations) hors de son champ d’action prioritaire.

En quoi ce Pacte constitue un danger pour le respect des droits des personnes migrantes ?

Droit d’asile et droits fondamentaux mis à mal

La nouvelle procédure aux frontières, combinant filtrage et procédures accélérées, met en danger l’exercice effectif du droit d’asile, notamment le droit à une procédure équitable et le non-refoulement. Pour rappel, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (Convention de Genève) indique qu’aucun « des Etats contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée » (paragraphe 1, article 33). Pourtant les cas de refoulements [6] sont devenus un outil structurel de la politique migratoire de certains États membres.

Une détention quasi systématique des personnes migrantes implique une contradiction au sein même du Pacte, puisque la disposition de l’article 8 de la directive sur les conditions d’accueil stipule que « les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur ». Cette orientation est par ailleurs contraire au Pacte mondial sur les migrations, signé par une majorité d’Etats membres dont la Belgique, qui préconise la recherche d’alternatives à la détention, celle-ci ne devant être pratiquée qu’en dernier recours.

La possibilité de détention des familles avec enfant va à l’encontre du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant qui est consacré dans la Convention Internationale relative aux droits de l’enfant ratifiée par la Belgique. Le fait que les personnes sans papiers sont aussi visées par la nouvelle procédure va augmenter le nombre de contrôles policiers et de mises en détention notamment dans les pays de seconde arrivée comme la Belgique. Le dépoilement d’un corps permanent de Frontex en Belgique dès 2026 servira cet objectif.

Non répartition de l’accueil et regroupement massif dans des camps

Sans réforme du règlement Dublin et en maintenant l’approche hotspot aux frontières de l’UE, le Pacte renforcera le regroupement des personnes dans des camps provisoires situés dans les pays de première entrée (Italie, Espagne, Chypre, Malte, Grèce). Les conditions de vie inhumaines dans ces camps surpeuplés ont été largement dénoncées. Le mécanisme de relocalisation mis en place en 2015 reste un échec, avec seulement un quart des 160 000 personnes placées dans ces camps ayant été accueillies dans les États membres. Parallèlement à la mise en œuvre du Pacte, pour faire face au manque de solidarité intra européen certains États membres, comme l’Italie, envisagent d’externaliser l’accueil des demandeurs d’asile vers des pays tiers dits « sûrs ».

Des routes de l’exil toujours plus dangereuses

La fermeture des frontières est une entrave à l’exercice du droit d’asile. Le Pacte rendra le parcours des personnes migrantes (rendu irrégulier faute de voies légales) et leur possibilité de séjour toujours plus complexe, chaotique et violente, spécialement pour les femmes qui sont systématiquement victimes de violences sexuelles. En 2024, 8 938 personnes sont mortes sur les routes migratoires dans le monde, ce qui en fait l’année « la plus meurtrière jamais enregistrée », selon les chiffres de l’ONU. La seule proposition novatrice en termes de voies légales proposée par le Pacte est la réforme du Permis unique. Cela est très insuffisant au regard des restrictions massives opérées sur les autres voies légales existantes tel le regroupement familial et le visa d’étude.

Le Pacte ne réduira d’ailleurs pas le nombres de migrations vers l’Europe. Plusieurs études ont démontré l’inefficacité des campagnes de dissuasion [7]. La théorie de l’appel d’air, qui consiste à dire que les personnes migrantes choisiraient prioritairement leur pays d’arrivée en fonction de la qualité des prestations sociales, a été réfutée à de nombreuses reprises [8]. L’histoire montre que les évolutions les plus importantes dans le nombre d’entrées sur le sol européen sont principalement dues aux principaux conflits survenant au pourtour de l’Europe : guerre dans les Balkans durant les années 1990, guerres d’Irak, d’Afghanistan et de de Syrie dans les années 2000 et 2010, guerre en Ukraine depuis 2022. Les meilleures réponses pour éviter ces exils forcés consistent à éviter les crises en amont, ainsi qu’à offrir un accueil digne pour les personnes en demande de protection y compris dans les pays limitrophes.

La fermeture des frontières par des barrières physiques et des contrôles renforcés engendre des coûts considérables. Pourtant, son efficacité reste largement contestée : les personnes migrantes sont contraintes à trouver des itinéraires alternatifs, mais plus coûteux, longs et dangereux.

Impacts de la collaboration avec des pays tiers

En centrant la coopération avec les pays tiers sur l’endiguement des départs et le retour, le Pacte limite le droit d’asile et participe au développement des routes irrégulières, avec les risques de violences que cela génère. Il permet en outres à des pays tiers de profiter de la situation pour négocier certains dossiers politiques sensibles (ex : Tunisie, Turquie et Libye).

Le Pacte prévoit-il un monitoring du respect des droits fondamentaux ?

Un mécanisme indépendant de contrôle des droits fondamentaux est prévu dans le Règlement filtrage. Il doit être mis en place dans et par chaque Etat membre afin d’assurer un contrôle du respect du droit européen et du droit international lors des procédures aux frontières. Peu d’information sont cependant données sur les moyens d’actions de celui-ci. En Belgique, le nom de cette instance et l’étendue de ses moyens de fonctionnement seront précisés dans le plan de mise en œuvre du Pacte.

En dehors de ce mécanisme aux contours flous, le Pacte ne prévoit pas de dispositif renforcé de suivi du respect des droits fondamentaux sur les routes de l’exil ni lors des expulsions. Quant au mécanisme interne de plaintes de Frontex, il demeure opaque, ce qui a conduit à la démission de son ancien directeur, Fabrice Leggeri, en 2022. Depuis, malgré plusieurs réformes de l’agence, ce mécanisme n’a toujours pas été véritablement amélioré.

Comment la Belgique va-t-elle mettre en œuvre ce Pacte dès 2026 ?

Les Etats membres doivent transposer le le Pacte dans leur législation nationale d’ici le 12 juin 2026 et élaborer à cet un effet un plan d’action. Les Institutions européennes exigent que ce plan soit réalisé en concertation avec la société civile et les services administratifs concernés, et qu’il soit rendu public. Toutefois, cette demande n’a pas été respectée par la plupart des Etats membres, y compris la Belgique, qui malgré une consultation de la société civile, n’a toujours pas remis son plan d’action.

Au vu du contenu de l’Accord de gouvernement De Wever, il est raisonnable de penser que le plan d’action appliquera les orientations maitresses du Pacte, et ira même plus loin, puisque celui-ci souhaite insérer dans sa loi nationale le concept de force majeure et déployer de façon permanente des agents de Frontex sur son territoire (voir l’analyse du volet asile et migration de l’Accord ARIZONA ).

Le Pacte va-t-il résoudre la « crise » structurelle de l’accueil en Belgique ?

Non. Le manque structurel de places d’accueil en Belgique, qualifiée de crise de l’accueil, est le résultat d’une politique délibérée de non-accueil. Les décisions successives de limiter les places d’accueil (y compris les places tampons), de restreindre et fragiliser les titres de séjour ainsi que de refuser aux hommes isolés leur droit d’être pris en charge suite au dépôt de leur demande d’asile, les privant ainsi d’hébergement malgré leurs droits, ont contribué à la création et à la prolongation de cette crise de l’accueil.

Si la Belgique ne prévoit pas davantage de places d’accueil, supprime les places d’urgence et les plans de répartition intercommunale, la crise structurelle de l’accueil ne pourra pas être résolue. De même, si la Belgique ne délivre pas de permis de séjour durable, refuse d’héberger les hommes isolés et de réfléchir à la régularisation, des milliers de personnes continueront à être laissées à la rue.

Quels sont les liens entre le Pacte UE et les réformes menées en parallèle du Code frontières Schengen et de la directive « Retour » ?

Parallèlement aux négociations sur le Pacte, l’UE a réformé en juin 2024 le Code frontières Schengen et la Commission européenne a présenté en mars 2025 une proposition de modification de la Directive Retour. Elles sont complémentaires à l’implémentation du Pacte.

Le nouveau Code frontières Schengen (code de l’Union européenne qui régit le franchissement des frontières de l’espace de liberté de circulation européen) élargit les motifs justifiants le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures et en prolonge la durée. Désormais, en plus du risque de terrorisme, les mouvements soudains et de grande ampleur sont considérés comme une menace justifiant un renforcement des mesures de contrôle et de surveillance, voire la fermeture temporaire des frontières intérieures. Si les autorités d’un État membre appréhendent des ressortissants d’un pays tiers sans permis de séjour aux frontières, ils peuvent faire un transfert « à chaud », c’est-à-dire l’expulser vers le premier État membre et ce, sans possibilité de demander l’asile.

Le 11 mars 2025, la Commission européenne a présenté une réforme de la Directive retour qui a pour objectif de renforcer l’éloignement des personnes migrantes du territoire européen. Cette proposition contient l’autorisation de centre de détention (hub retour) dans des pays tiers dits sûrs et privilégie les retours forcés grâce à l’agence Frontex au lieu des retours volontaires. Il reste au Parlement et au Conseil européen à se positionner sur cette réforme d’ici fin 2025. L’accord de gouvernement Arizona mentionne le soutien explicite de la Belgique à cette réforme et son orientation.

Certains Etats membres veulent aller encore plus loin et souhaitent la création de centres de réception dans les pays tiers en vue d’externaliser les demandes d’asile (voir les projets actuels de l’Italie en Albanie).

Quelles sont les recommandations politiques du CNCD-11.11.11 ?

Le CNCD-11.11.11 recommande à la Belgique et à l’Union européenne de conditionner la mise en œuvre du Pacte européen sur la migration et l’asile au respect du droit international, mais également à la mise en œuvre de l’esprit et de l’ensemble des objectifs du Pacte mondial sur les migrations et du Pacte mondial sur les réfugiés, en particulier :

Concernant la dimension interne
  • Le refus de l’approche hotspots, du tri et du filtrage, qui empêche la détection et la prise en charge de la vulnérabilité des personnes exilées, notamment des femmes, des enfants et des personnes LGBTQI+.
  • La suppression du mécanisme de solidarité flexible et la mise en place d’un mécanisme permanent, contraignant et solidaire d’accueil intra-européen selon une clé de répartition équitable entre États membres qui prenne en compte la situation et les aspirations personnelles des personnes exilées.
  • Le refus de la procédure d’asile accélérée basée sur le principe de pays d’origine sûr et l’harmonisation vers le haut des normes et procédures d’accueil et d’asile.
  • L’investissement dans de réelles alternatives à la détention et l’interdiction de l’enfermement des enfants.

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