Droit d’asile et droits fondamentaux mis à mal
La nouvelle procédure aux frontières, combinant filtrage et procédures accélérées, met en danger l’exercice effectif du droit d’asile, notamment le droit à une procédure équitable et le non-refoulement. Pour rappel, la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (Convention de Genève) indique qu’aucun « des Etats contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée » (paragraphe 1, article 33). Pourtant les cas de refoulements [6] sont devenus un outil structurel de la politique migratoire de certains États membres.
Une détention quasi systématique des personnes migrantes implique une contradiction au sein même du Pacte, puisque la disposition de l’article 8 de la directive sur les conditions d’accueil stipule que « les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur ». Cette orientation est par ailleurs contraire au Pacte mondial sur les migrations, signé par une majorité d’Etats membres dont la Belgique, qui préconise la recherche d’alternatives à la détention, celle-ci ne devant être pratiquée qu’en dernier recours.
La possibilité de détention des familles avec enfant va à l’encontre du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant qui est consacré dans la Convention Internationale relative aux droits de l’enfant ratifiée par la Belgique. Le fait que les personnes sans papiers sont aussi visées par la nouvelle procédure va augmenter le nombre de contrôles policiers et de mises en détention notamment dans les pays de seconde arrivée comme la Belgique. Le dépoilement d’un corps permanent de Frontex en Belgique dès 2026 servira cet objectif.
Non répartition de l’accueil et regroupement massif dans des camps
Sans réforme du règlement Dublin et en maintenant l’approche hotspot aux frontières de l’UE, le Pacte renforcera le regroupement des personnes dans des camps provisoires situés dans les pays de première entrée (Italie, Espagne, Chypre, Malte, Grèce). Les conditions de vie inhumaines dans ces camps surpeuplés ont été largement dénoncées. Le mécanisme de relocalisation mis en place en 2015 reste un échec, avec seulement un quart des 160 000 personnes placées dans ces camps ayant été accueillies dans les États membres. Parallèlement à la mise en œuvre du Pacte, pour faire face au manque de solidarité intra européen certains États membres, comme l’Italie, envisagent d’externaliser l’accueil des demandeurs d’asile vers des pays tiers dits « sûrs ».
Des routes de l’exil toujours plus dangereuses
La fermeture des frontières est une entrave à l’exercice du droit d’asile. Le Pacte rendra le parcours des personnes migrantes (rendu irrégulier faute de voies légales) et leur possibilité de séjour toujours plus complexe, chaotique et violente, spécialement pour les femmes qui sont systématiquement victimes de violences sexuelles. En 2024, 8 938 personnes sont mortes sur les routes migratoires dans le monde, ce qui en fait l’année « la plus meurtrière jamais enregistrée », selon les chiffres de l’ONU. La seule proposition novatrice en termes de voies légales proposée par le Pacte est la réforme du Permis unique. Cela est très insuffisant au regard des restrictions massives opérées sur les autres voies légales existantes tel le regroupement familial et le visa d’étude.
Le Pacte ne réduira d’ailleurs pas le nombres de migrations vers l’Europe. Plusieurs études ont démontré l’inefficacité des campagnes de dissuasion [7]. La théorie de l’appel d’air, qui consiste à dire que les personnes migrantes choisiraient prioritairement leur pays d’arrivée en fonction de la qualité des prestations sociales, a été réfutée à de nombreuses reprises [8]. L’histoire montre que les évolutions les plus importantes dans le nombre d’entrées sur le sol européen sont principalement dues aux principaux conflits survenant au pourtour de l’Europe : guerre dans les Balkans durant les années 1990, guerres d’Irak, d’Afghanistan et de de Syrie dans les années 2000 et 2010, guerre en Ukraine depuis 2022. Les meilleures réponses pour éviter ces exils forcés consistent à éviter les crises en amont, ainsi qu’à offrir un accueil digne pour les personnes en demande de protection y compris dans les pays limitrophes.
La fermeture des frontières par des barrières physiques et des contrôles renforcés engendre des coûts considérables. Pourtant, son efficacité reste largement contestée : les personnes migrantes sont contraintes à trouver des itinéraires alternatifs, mais plus coûteux, longs et dangereux.
Impacts de la collaboration avec des pays tiers
En centrant la coopération avec les pays tiers sur l’endiguement des départs et le retour, le Pacte limite le droit d’asile et participe au développement des routes irrégulières, avec les risques de violences que cela génère. Il permet en outres à des pays tiers de profiter de la situation pour négocier certains dossiers politiques sensibles (ex : Tunisie, Turquie et Libye).