Rapport 2024 sur la coopération belge au développement

Les enjeux du financement du développement

Le Rapport du CNCD-11.11.11 sur la Coopération belge au développement est centré cette année sur les enjeux fondamentaux du financement du développement, en amont de la quatrième Conférence internationale des Nations Unies sur le sujet, attendue en Espagne en juin 2025.

Après un aperçu des tendances observées au niveau international (chapitre 1), le Rapport évalue les dernières évolutions en termes de quantité de l’aide publique belge au développement (APD [1]) (chapitre 2), de qualité de la Coopération belge au développement (chapitre 3), ainsi que de cohérence des politiques pour le développement (chapitre 4). Son dernier chapitre (chapitre 5 appelé « Zoom ») présente les enjeux et les recommandations les plus importantes sur le thème du financement du développement, en se concentrant sur trois domaines en particulier : la fiscalité internationale, la question de la dette des pays du Sud, et la réforme des institutions financières internationales.

Analysant le contexte international, le premier chapitre de ce Rapport rappelle que le monde du développement a à certains égards des raisons de se réjouir. En effet, depuis plusieurs décennies, des progrès gigantesques ont été réalisés, que ce soit concernant le taux de mortalité infantile, le taux de scolarisation des enfants, ou l’éradication de différentes maladies. Deuxième bonne nouvelle : la coopération au développement y est certainement pour quelque chose, car les études prouvent qu’elle contribue non seulement au développement économique, mais elle sauve en plus des vies humaines. Malgré ces points positifs, le début des années 2020 a fait régresser plusieurs indicateurs au niveau international, nous éloignant de la réalisation des Objectifs de développement durable Objectifs de Développement Durable
Objectifs de développement durable
ODD
SDG
Les objectifs de développement durable (ODD), adoptés en 2015, constituent le cadre de référence des Nations unies pour le développement international. Ils remplacent les 8 objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), qui se focalisaient sur les seuls symptômes sociaux de la pauvreté dans les pays en développement, sans en interroger les causes structurelles. Principaux changements ? Tous les pays sont concernés et les objectifs, désormais au nombre de 17, sont déclinés en 169 cibles précises. Les ODD sont donc, en bref, l’horizon que s’est fixé l’ONU pour un développement harmonieux.

Ce programme est ambitieux, puisqu’il vise à généraliser à l’ensemble du monde le développement économique et social, tout en réduisant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et l’utilisation des ressources naturelles. Une perspective illusoire sans une transition rapide et radicale vers de nouveaux modèles de développement, à la fois plus pauvres en carbone, moins gourmands en matières premières et plus équitablement répartis.
. Les inégalités mondiales ont également fortement augmenté, tandis que les conflits se multiplient. Et si l’aide publique au développement a atteint un nouveau niveau record international en 2023, cette augmentation doit être sérieusement nuancée. En effet, l’APD est loin d’atteindre l’engagement à consacrer 0,7% des richesses produites par les pays donateurs, elle se traduit par une plus grande augmentation de l’aide d’urgence plutôt que de l’aide structurelle, et elle intègre toujours des financements qui ne devraient pas être comptabilisés comme de l’aide au développement. En outre, cette hausse s’est faite en parallèle d’une diminution, depuis 2021, des financements alloués aux pays dont les indices de développement humain sont les plus faibles au monde, en particulier en Afrique. Ces pays-là en particulier devront donc voir leurs financements sérieusement augmenter, via des engagements ambitieux dans le cadre de la quatrième Conférence internationale sur le financement du développement en 2025, s’ils veulent atteindre les Objectifs de développement durable.

Le chapitre 2 analyse plus particulièrement la quantité de l’aide au développement de la Belgique. Ainsi, la Belgique a vu son APD stagner en 2023, et même diminuer en pourcentage de ses richesses, passant de 0,45 à 0,44% du revenu national brut. La Belgique s’est donc éloignée de l’objectif international, situé à 0,7%. Cela est d’autant plus regrettable qu’elle est généralement félicitée pour ses choix pertinents : celui de concentrer sa coopération au développement dans les pays qui en ont le plus besoin ; celui de concentrer ses financements dans les trois secteurs essentiels que sont la santé, l’éducation et la souveraineté alimentaire ; ou encore celui de refuser de comptabiliser en APD des financements qui ne devraient pas l’être (tels que les coûts imputés d’étudiants étrangers ou les frais d’accueil de réfugiés ukrainiens). Sous la nouvelle législature, une trajectoire de croissance devra donc être adoptée pour permettre à l’APD belge d’atteindre 0,7% du RNB pour 2030, tel que cela est préconisé par l’Examen à mi-parcours de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Au niveau de la qualité de la Coopération belge, le chapitre 3 fait justement le bilan de cet Examen à mi-parcours de l’OCDE. Cette dernière relève plusieurs éléments positifs, dont en premier lieu le fait qu’elle se soit davantage concentrée sur la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Le nouveau contrat de gestion de BIO constitue également une avancée positive. Néanmoins, quelques recommandations ont aussi été proposées par l’OCDE : augmenter la flexibilité budgétaire pour concrétiser l’approche fragilité ; veiller à ce que les pays partenaires puissent réellement influencer la prise de décision ; clarifier le cadre stratégique des priorités de la Coopération belge. Cela pourra se faire en maintenant la lutte contre la pauvreté et les inégalités comme objectif principal de la coopération, mais aussi en préservant ses secteurs prioritaires afin d’éviter une nouvelle multiplication thématique sous la législature 2024-2029.

Le chapitre 4 sort du seul domaine de la coopération au développement, pour analyser les dernières évolutions en termes de cohérence des politiques pour le développement (CPD). Ce principe veut que les pays qui donnent de l’aide au développement ne reprennent pas d’une main ce qu’ils donnent de l’autre, en adoptant d’autres politiques (commerciales, financières, diplomatiques, migratoires, agricoles, etc.) qui sont défavorables au développement de pays du Sud. Au niveau belge, pour assurer ce principe, deux priorités institutionnelles restent pertinentes pour la nouvelle législature qui commence : (1) créer une conférence interministérielle pour assurer la CPD, et (2) adopter un plan d’action qui priorise les domaines dans lesquels la CPD doit être renforcée. Sans cela, les décisions incohérentes et contre-productives continueront d’être prises, en Belgique comme au niveau européen. Plusieurs exemples de politiques incohérentes récentes sont d’ailleurs présentés, tels que le Pacte européen sur la migration et l’asile, ou les décisions européennes diminuant l’ambition environnementale et climatique suite aux mobilisations agricoles du printemps 2024. À l’inverse, plusieurs décisions cohérentes dans le domaine du commerce et de la politique étrangère sont à saluer. C’est le cas par exemple du retrait européen du Traité sur la Charte de l’énergie, de l’adoption de la Directive européenne sur le devoir de vigilance devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, ou de la position belge basée sur le respect du droit international dans le contexte du conflit à Gaza.

Enfin, le « Zoom » de ce Rapport se concentre sur les enjeux plus spécifiques liés au financement du développement. Car à la mi-chemin vers l’échéance 2030, les besoins en financement pour réaliser les Objectifs de développement durable n’ont jamais été plus élevés. La quatrième conférence internationale sur le financement du développement en 2025 est donc une opportunité unique pour redoubler d’ambition et de créativité afin de trouver des solutions innovantes de financement. Dans trois domaines en particulier, des avancées importantes sont attendues : la création d’une Convention-cadre des Nations Unies sur la coopération fiscale internationale ; un nouveau mécanisme de restructuration des dettes des pays du Sud ; et une réforme profonde des institutions financières internationales que sont le FMI et la Banque mondiale. La Belgique a un rôle important à jouer dans toutes ces négociations, et des recommandations spécifiques sont présentées en fin de Rapport pour qu’elle y parvienne.

[1Ce rapport utilise le terme « aide publique au développement » (APD) car il s’agit du terme officiel encore utilisé aujourd’hui par les organisations internationales, et du terme correct d’un point de vue sémantique. D’autres termes sont privilégiés, là où c’est possible.