Rapport 2025 sur la coopération belge au développement

Le rôle de la coopération internationale dans un monde qui bascule

Le Rapport du CNCD-11.11.11 sur la Coopération belge au développement est centré cette année sur la nécessité de défendre et de renforcer une politique de solidarité internationale ambitieuse, alors que l’aide au développement est de plus en plus instrumentalisée, voire remise en cause.

Le Rapport examine successivement le contexte international (chapitre 1), l’évolution quantitative de l’aide belge (chapitre 2), la qualité de la Coopération (chapitre 3), la cohérence des politiques (chapitre 4), puis propose une mise en perspective des remises en question actuelles (chapitre 5).

Le chapitre 1 analyse un contexte international marqué par une triple rupture : la montée des forces nationalistes et conservatrices, la baisse des financements pour le développement et la multiplication des conflits. La Coopération internationale est attaquée frontalement par des gouvernements conservateurs, comme en témoignent les décisions de l’Administration Trump aux États-Unis, notamment la fermeture annoncée de l’agence USAID. Cette évolution s’accompagne d’un recul historique de l’aide publique au développement (APD) mondiale : après cinq années de hausse, l’APD globale a diminué de 7% en 2024, passant de 223 à 212 milliards USD. Ce désengagement fragilise la perspective d’atteindre les Objectifs de développement durable Objectifs de Développement Durable
Objectifs de développement durable
ODD
SDG
Les objectifs de développement durable (ODD), adoptés en 2015, constituent le cadre de référence des Nations unies pour le développement international. Ils remplacent les 8 objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), qui se focalisaient sur les seuls symptômes sociaux de la pauvreté dans les pays en développement, sans en interroger les causes structurelles. Principaux changements ? Tous les pays sont concernés et les objectifs, désormais au nombre de 17, sont déclinés en 169 cibles précises. Les ODD sont donc, en bref, l’horizon que s’est fixé l’ONU pour un développement harmonieux.

Ce programme est ambitieux, puisqu’il vise à généraliser à l’ensemble du monde le développement économique et social, tout en réduisant drastiquement les émissions de gaz à effet de serre et l’utilisation des ressources naturelles. Une perspective illusoire sans une transition rapide et radicale vers de nouveaux modèles de développement, à la fois plus pauvres en carbone, moins gourmands en matières premières et plus équitablement répartis.
d’ici 2030, alors même que des progrès majeurs avaient été enregistrés au cours des dernières décennies dans des domaines clés comme la santé ou l’éducation. La quatrième Conférence internationale sur le financement du développement, qui a eu lieu à Séville en juin-juillet 2025, a représenté une opportunité manquée pour réorienter les efforts mondiaux, alors que les pays de l’OTAN ont décidé d’augmenter à 5% du PIB les dépenses militaires et de sécurité.

Le chapitre 2 analyse l’évolution de la quantité de l’aide belge en 2024 et les perspectives inquiétantes qui se dessinent pour la législature en cours. Sur l’ensemble de la législature passée, entre 2019 et 2024, la Belgique a augmenté son volume d’aide de 0,41 % à 0,48 % du revenu national brut (RNB), avec une hausse la dernière année de plus de 15 % (12 % hors frais d’accueil des réfugiés) alors que la tendance mondiale était à la baisse. Cependant, les perspectives se sont détériorées avec l’arrivée du gouvernement dit « Arizona ». Celui-ci a annoncé un plan de coupes budgétaires drastiques de 25% d’ici à la fin de la législature, ce qui ferait retomber l’APD belge à 0,40% du RNB dès 2025. Cette décision rompt clairement avec l’objectif international de consacrer 0,7 % du RNB à l’aide au développement et envoie un signal négatif au moment même où les besoins mondiaux sont en forte hausse pour réaliser l’Agenda 2030 Agenda 2030 des Nations Unies. Le chapitre insiste sur la nécessité urgente de rétablir une trajectoire de croissance ambitieuse, afin de garantir que la Belgique respecte ses engagements internationaux tout en renforçant la portée de son action solidaire.

Le chapitre 3 évalue la qualité de l’aide belge dans un contexte de pressions multiples et d’instrumentalisation croissante. Si la Belgique a historiquement ancré sa Coopération dans les principes d’efficacité de l’aide (appropriation, alignement, redevabilité), ceux-ci sont aujourd’hui mis à l’épreuve par les nouvelles priorités politiques. L’Accord de gouvernement de janvier 2025, tout en réaffirmant des valeurs comme les droits humains et le multilatéralisme, introduit une logique transactionnelle centrée sur les intérêts nationaux, notamment économiques et migratoires. Cette inflexion entre en tension avec les principes internationaux auxquels la Belgique est pourtant tenue, notamment ceux inscrits dans la Loi de 2013 : une aide bien ciblée, largement déliée, et conforme aux engagements sectoriels. Le chapitre relève des avancées dans l’Accord de gouvernement, telles que le renforcement de l’approche nexus (humanitaire-développement-paix), le soutien accru à la société civile via le Civic Space Fund, ainsi que la reprise partielle de l’appui aux institutions publiques des pays partenaires. Néanmoins, plusieurs risques sont identifiés : un retour indirect à l’aide liée via des instruments comme le Global Gateway, et une conditionnalité de l’aide liée à la collaboration des pays partenaires dans la répression des migrations justice migratoire
migrations
dites irrégulières. Pour préserver la qualité de l’aide, le chapitre appelle à maintenir le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies comme boussole principale et à éviter que l’aide ne soit détournée au service d’agendas extérieurs au développement.

Le chapitre 4 est consacré à la cohérence des politiques en faveur du développement (CPD), un principe fondamental inscrit dans la législation belge et européenne, mais aujourd’hui largement négligé. La CPD vise à éviter que les efforts de Coopération ne soient contrecarrés par d’autres politiques – commerciales, migratoires, agricoles, environnementales ou sécuritaires – qui nuiraient aux pays du Sud. Or, ni l’Accord de gouvernement de 2025 ni les déclarations politiques du nouveau ministre ne mentionnent cet enjeu. Le cadre institutionnel belge dédié à la CPD (conférence interministérielle, commission interdépartementale, analyses d’impact) est largement inactif, et aucun plan d’action n’a été adopté. Plusieurs décisions récentes illustrent cette absence de cohérence, au niveau belge ou européen : l’Accord UE–Rwanda sur les minerais stratégiques, malgré la violation démontrée de la souveraineté du territoire congolais ; la révision de la directive « retour » et le concept de « Pays tiers surs », qui renforcent l’externalisation des politiques migratoires au détriment des droits humains ; le paquet Omnibus I, qui démantèle des législations essentielles à la durabilité des entreprises. Toutefois, certains signaux positifs sont à souligner, notamment la Loi belge interdisant l’exportation de pesticides bannis en Europe, et la position prise par la Belgique en faveur de la suspension de l’Accord UE–Rwanda. Le chapitre appelle à réactiver les outils existants et à faire de la CPD une priorité politique transversale, afin que les politiques publiques belges soutiennent pleinement les Objectifs de développement durable.

Enfin, le « Zoom » se penche sur la remise en cause croissante de l’aide au développement dans le débat public, dans un contexte de « guerre culturelle » menée par des forces politiques conservatrices et nationalistes. Cette offensive idéologique remet en cause la légitimité même de la Coopération internationale, la présentant comme inefficace. Le chapitre démonte ces affirmations en s’appuyant sur des faits : depuis les années 2000, plus de 30 pays bénéficiaires de l’aide au développement sont sortis de la catégorie des pays à faible revenu ; la Coopération Sud-Sud est en pleine expansion ; et l’aide internationale a des effets économiques positifs tant pour les pays récipiendaires que pour les pays donateurs. Ce constat appelle une réaction forte et une réaffirmation de l’importance de la solidarité internationale comme politique publique légitime, efficace et stratégique face aux défis mondiaux. La Coopération internationale ne doit pas être réduite ou supprimée, mais renforcée et adaptée aux mutations en cours pour répondre aux enjeux économiques, sociaux, environnementaux et démocratiques dans un monde qui bascule.